rewind. (calmann-levy. 1997)
LIRE. Carole Vantroys : " (…) De son côté, l'héroïne de Rewind a beau être vierge, elle est tout aussi dénuée de tentation religieuse. Avec un vocabulaire de carabin et un humour décapant, Dominique Cozette (l'auteur) décrit l'ODOT, «Opération dépucelage de l'orpheline trentenaire» de Dominique Cozette (le personnage), action de survie lancée quelques jours après la mort de sa mère. Mais voilà, rien ne marche: nous ne sommes pas dans Histoire d'O. Repoussée successivement malgré ses avances insistantes par un artisan récupérateur et un voisin russe et un collègue de bureau, humiliée par un «accident de fellation», Dominique connaît enfin la révélation sexuelle avec un inconnu... qui n'est autre que son père! D'où le dépit de l'héroïne et le bonheur du lecteur, conquis par cette réjouissante parodie du roman érotico-initiatique."
LES INROCKUPTIBLES. Jacques Vallet : "Dominique Cozette a choisi de retracer l'éducation sexuelle d'une héroïne qu'elle appelle Dominique Cozette. Et, au départ, elle ne lui fait pas cadeau à son double mal-aimé. Elle est froide, fade, taciturne, inintéressante, coincée... "Moyennement moyenne." Une fille moche, sans poitrine ("une vraie planche à pain"), peu faite pour inspirer le désir... Vierge à trente ans. La mort de sa mère sonne le branle-bas de combat. Délivrée de celle qui lui faisait de l'ombre ("et pourquoi les mères faut toujours que ça fasse chier les filles ?"), "l'empêcheuse de baiser en rond", qui l'a élevée seule dans le dégoût du sexe, elle se lance avec détermination dans une furieuse "quête à la quéquette". Elle entreprend alors de régler ses comptes avec le père qui l'a abandonnée avant sa naissance. Par le sexe, naturellement. Et on peut dire que - sur fond de culpabilité et d'analyse - Dominique Cozette s'en donne à coeur joie. Doublement. L'héroïne, en baisant allégrement avec son géniteur ("le monsieur avec un phallus très viril") et la narratrice, en en rajoutant sur "le foutre, les poils, les trous, la merde, les bruits mouillés, les odeurs fortes"... Avec un ton espiègle, cocasse, amusé. Et une exaltation rieuse. Rewind est un "retour en arrière" désinvolte sur l'expérience de l'homme. La première braguette et ses surprises. La première pipe : "Tu imagines ça, toi, que le bon Dieu avait fait les bites en forme de tétine pour qu'on puiss les sucer ? Tu trouves pas ça hallucinant ?" Et puis surtout le grand jeu du jouir : "C'est le corps entier qui se retourne comme un gant, c'est la voûte céleste qui tourbillone autour de la tête, c'est ton sexe qui jaillit de lui-même et de la lave bouillante qui en coule (...) C'est les grondements qui montent de ton ventre et te secouent tout le corps pour sortir, c'est toutes les sensation et les sentiments à la fois et à l'infini, la joie, la douleur, la haine, l'amour, la honte, la fierté, la grandeur, la petitesse, la vanité. C'est toutes les cellules du cerveau qui se mettent à s'allumer ensemble en faisant sauter les plombs qui ne sautent jamais, c'est l'impression d'être un esprit au-dessus de tout mais aussi un morceau de viande brûlante à fouiller d'urgence, la paix et la guerre, l'eau et le feu, la fusion et la pire des solitudes. Une douleur extraordinaire quand tu reviens à toi. Si folle qu'il te faut aussitôt y retrouner." Le corps devient merveille, la femme affiche "l'extase" ("Je trouve normal que ce soit mon père qui me procure l'extase")... Comment pourrait-on bouder tout ce plaisir ?"
ELLE. Gérard Pussey : " Au départ, c'est une histoire simple : une jeune femme déménage le minable pavillon de banlieue où sa mère vient de mourir. Très vite, ça se corse : la découverte, dans un tiroir, de vieilles photos pornographiques, montrant la défunte au comble de l'extase, provoque chez sa fille l'envie urgente d'être dévirginisée. Car la pauvrette, malgré ses trente ans, n'a pas encore connu ce bonheur. Mais les prétendants ne se bousculent pas sur cette grosse fille bonasse, personnage à la Balasko, qui multiplie des rencontres échouant toutes, toujours sur le mode burlesque, au bord du dépucelage. Le livre devient franchement "hard" lorsqu'il s'avère que le grand déflorateur ne sera autre que son propre géniteur, oui, papa, plutôt avantagé par la nature puisque, en termes classés X, aucun détail de l'accouplement ne nous est épargné. Vous évaluerez tout le scabreux de l'affaire lorsque vous saurez que l'héroïne du roman s'appelle Dominique Cozette et que, à l'évidence, pour des raisons qui lui appartiennent, l'auteur a tenu a donner à son récit le ton de l'autobiographie. L'éditeur, au dos de l'ouvrage, nous encourage à voir dans "Rewind" "la névrose désopilante d'une jeune femme d'aujourd'hui". Drôle parfois, en effet, cette incestueuse course au père ne s'en déroule pas moins sur un fond d'extrême gravité, où la douleur grippe le rire dans la gorge : on n'est pas loin des atmosphères de Bretrand Blier. (...) A la devanture de nos librairies, où abondent les produits surgelés, ce livre singulier, violent, obscène et tragi-cocasse, a les couleurs et l'odeur forte d'une venaison. Les lecteurs au régime devraient s'bstenir. Quant aux autres, qu'ils s'accrochent."
LIBERATION : "A l'enterrement de ma mère, j'ai attrapé un coup de soleil". Ça commence comme une parodie de l'Etranger, ça continue comme Ma mère de Bataille, ça finit en polar psychanalytique : Dominique Cozette, puisque c'est l'héroïne du roman, parviendra-t-elle à perdre son pucelage malgré ses trente ans ? Un roman qui fait rire, même si la farce n'est pas toujours très digeste.
LE FIGARO LITTERAIRE. Jérôme Béglé : "Encore vierge à trente ans, Dominique prend la ferme résolution de remédier rapidement à cette anormalité. Elle se lance "à corps perdu" dans un marathon initiatique encouragée par son amie Lola, nymphomane et délurée. Le plan porte le nom de code ODOT : Opération dépucelage de l'orpheline trentenaire. Elle trouve une précieuse aide logistique dans une vidéo enregistrée jadis, et illustrant les ébats érotiques de sa mère avec Robert, un homme dont Dominique pense qu'il peut être son père. Par hasard, elle retrouve celui-ci, qu'elle n'avait jamais connu. Ravie de "l'aubaine", elle s'offre à lui. L'homme se repaît de la fringale sexuelle de cette jeune femme. Bien que consciente de son inceste, Dominique ne peut réprimer son excitation qui la mène à des débordements incontrôlables. Une lubricité à nulle autre pareille, des fantasmes les plus extrêmes ne parviennent pas à l'apaiser malgré une psychanalyse. Lola finit par ouvrir les yeux à l'amant de Dominique en lui révélant qu'il couche avec sa fille. Mais, secrètement, elle rêve de rejoindre le lit de Robert... "Passées les bornes, il n'y a plus de limites" pourrait être le sous-titre de ce roman cru, et souvent désopilant. Lorsqu'un récit érotique atteint un tel degré d'inventivité, c'est du bonheur à l'état pur."